Randy Richmond

Randy Richmond

À l’automne 2016, la police de London, Ont., a accusé une jeune femme d’agression, prétendant qu’elle avait craché sur des policiers, les avait poussés, leur avait donné des coups de pied et les avait mordus.

La réalité était fort différente.

En fait, un sergent l’avait frappée avec ses poings et ses pieds, l’avait piétinée et tenté de l’étrangler. Plusieurs agents la tenaient au sol, menottée et les pieds liés, alors qu’elle était agressée. Aucun d’entre eux a tenté de mettre fin à l’agression ou demandé au sergent d’arrêter ou tenté de protéger la femme ou dénoncé l’agression.

Rien de ce qui était arrivé – l’agression détaillée du sergent, le silence des autres agents, le camouflage de l’incident, les manquements de la Couronne à son devoir, les efforts de l’avocat de la victime pour obtenir justice alors que sa santé lui laissait peu de temps à vivre – n’aurait été révélé, n’eût été le travail de Randy Richmond du London Free Press.

La série de Randy Richmond, We Are the Cops, a été publiée en 2019 après plus d’un an d’enquête journalistique, un délai pour permettre de mener à terme les procédures de la Loi sur les services policiers à l’endroit du sergent et un autre délai, qui a enclenché de longues négociations, faisant suite aux démarches du sergent pour obtenir des tribunaux qu’ils interdisent la publication du reportage.

La série a abordé la culture policière de la violence et du secret,  les connaissances et la formation des policiers dans le traitement des suspects souffrant de toxicomanie et de maladie mentale, la politique des hôpitaux concernant les cas de violence policière présumée, la surveillance du conseil de police de la ville, et les relations entre les bureaux de la Coursonne et la police. Des questions ont été soulevées dans chacun de ces segments concernant les politiques, la pratique et la culture.

La série a eu des répercussions importantes et immédiates. Le jour après la publication de la série en ligne, le chef de la police municipale a annoncé que son service allait imposer la dénonciation obligatoire des cas d’inconduite policière, en plus d’une protection pour les lanceurs d’alerte et une formation adéquate pour tous les agents. Le chef a également promis de remettre des rapports plus complets et transparents sur les inconduites policières au conseil des services policiers et a annoncé des sessions de formation sur la culture en milieu de travail, «spécifiquement la culture policière», pour ses agents.

Pour son travail, Randy Richmond a été désigné Journaliste de l’année 2019 par le Concours canadien de journalisme. Sa série We Are the Cops a remporté la palme de la catégorie du Reportage à caractère local et a été finaliste pour le Prix George Brown de la catégorie Grande Enquête. Il a été choisi comme Journaliste de l’année par un comité de trois anciens lauréats du CCJ parmi les gagnants dont le nom avait été soumis par une ou deux personnes.

Les juges ont souligné qu’un travail journalistique extraordinaire de près de deux ans avait été nécessaire pour faire la lumière sur cet incident. Cela a compris une longue bataille juridique après que le policier accusé ait demandé une injonction pour interdire la publication d’informations essentielles. Randy Richmond a aussi surmonté des obstacles pour retrouver l’avocat de la victime afin d’obtenir une importante entrevue alors que l’homme était aux soins palliatifs avec peu de temps à vivre en raison d’une tumeur au cerveau.

Voici en partie ce que les juges du Journaliste de l’année avaient à dire à propos du travail de Randy Richmond :

  • Ceci représente clairement un service public, avec le journaliste comme chien de garde, engagé dans une longue bataille avec la police malgré les implications d’un tel combat pour un journal local dans une communauté de taille moyenne. Sa prose est délibérément minimaliste, comme un roman noir d’après-guerre. La sueur et la ténacité de la vieille école font de ce reportage un hommage à la façon dont le journalisme doit être pratiqué.
  • «We are the cops». Ces mots, effrayants dans leur contexte,  illustrent le pouvoir moral de cette série, qui demande des comptes à la police, la Couronne et toute l’administration de la justice à London. Avec une rigoureuse impartialité et une profonde empathie, M. Richmond ne fait pas seulement la lumière sur une opération de dissimulation policière, mais il brosse un portrait compatissant de la jeune toxicomane qui a été violentée, de l’avocat flamboyant qui plaide sa cause même s’il lutte pour sa propre vie et, finalement, du policier accusé de l’agression. Ceci n’est pas seulement une enquête remarquable sur une allégation de brutalité policière. C’est une leçon de nuance morale, un reportage qui se lit comme un scénario de film.